Après l'Amérique latine et l'Asie, la Russie déplace ses pions sur un autre continent : l'Afrique. Effectivement, après un sommet Russie-Afrique à Sotchi en 2019, réunissant 43 dirigeants africains[1], de nombreux investissements russes étaient signés. Traditionnellement, la Russie exporte vers l'Afrique des armes et des céréales, mais à l'occasion du sommet de Sotchi, elle travaille à diversifier ses activités en Afrique[2]. Pour ce faire, la Russie s'appuie sur trois secteurs économiques que sont les hydrocarbures, le secteur minier et le nucléaire, toujours en complément avec ceux de la sécurité et de l'armement[3]. D'après les derniers chiffres, en 2018, les échanges russes avec le continent s'élevaient à 20 milliards de dollars, ce qui représente une hausse de 17,2 % par rapport au volume des échanges commerciaux de 2017[4]. Les exportations russes vers l'Afrique ont doublé en trois ans, et comptent désormais pour 4 % de l'ensemble de ses exportations, contre 1 % il y a cinq ans[5].
Malgré tout, l'armement reste plus que jamais une des exportations russes vers l'Afrique les plus importantes[6]. Dans le cadre du Mali, en plus des armes et des munitions, quatre hélicoptères russes de type Mi-171 étaient livrés à Bamako, dans le cadre d'un accord de coopération militaire signé en 2019[7]. Le Russie est de plus en plus active là où les troupes militaires françaises sont présentes (Sahel, République centrafricaine)[8]. Jusque de nos jours, certains dirigeants africains font appel à l'armement et l'aide militaire russes, à l'instar des dirigeants centrafricains et maliens récemment[9].
Lors de son discours à l'ONU, le premier ministre malien Choguel Kokalla Maïga dénonçait l'«abandon» de la France dans la lutte anti-djihadiste au Mali tout en soulignant la nécessité de recourir à d'autres partenaires[10]. Après le coup d'état en août 2020, le Mali et ses dirigeants veulent, en tant qu'État souverain libre, diversifier ses alliances militaires[11]. En réaction aux propos de la ministre française des Armées Florence Parly, indignée du discours de Chiaga à l'ONU (propos sont "inacceptables" et "proprement indécents") [12], le premier ministre Maïga avait donné un constat d'échec de l'opération militaire française Barkhane au sein du territoire malien, en place depuis 2012[13]. Les dirigeants maliens voient la Russie comme un potentiel allié, ce qui explique les récentes discussions avec les représentants du groupe militaire russe privé Wagner, déjà présent en Afrique depuis des années[14].
D'après des sources anonymes citées par l'agence Bloomberg, des mercenaires russes étaient déployés dans plusieurs pays africains, dont le Soudan, la République centrafricaine, la Libye, le Zimbabwe, l'Angola, Madagascar, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Mozambique, voire la République démocratique du Congo (RDC)[15]. Opérant sous différents noms et structures, telles que des sociétés liées à l'extraction de l'or et de diamant, ainsi qu'à la formation militaire et à la cyberguerre, le groupe Wagner disposait de nombreuses filiales qui furent déployées en Libye, en Afrique du Sud, au Soudan et au Mozambique en vue de «former les armées locales, de protéger des personnalités de haut niveau, de combattre des groupes rebelles et terroristes, en plus de la protection des mines de diamant, d'or et d'uranium»[16]. En échange de ces services, les branches de Wagner auraient obtenu d'exclusifs privilèges, contrats et licences pour procurer des armes, de la technologie et des services militaires, mais également pour l'exploitation des ressources naturelles dans ces pays[17]. Le Groupe Wagner est aussi connu pour avoir contribué à la protection du président centrafricain Touadéra et à la formation des soldats dans le pays, en proie à la guerre civile[18].
Actuellement, les négociations pour accueillir le groupe Wagner au Mali provoquent des inquiétudes auprès des Européens[19], notamment les Français, les Allemands et les Estoniens, engagés militairement au Mali dans le cadre de l'opération Barkhane[20].
Comme la Chine, la Russie travaille à maintenir une zone d'influence en Afrique, comme l'Union Soviétique pendant la Guerre froide[21].
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